Nous avons vu précédemment que les raisons de s’intéresser à l’énergie de notre logement étaient aussi riches que variées.
Mais dès lors qu’on a décidé de reprendre le contrôle de son énergie, il est assez facile de se perdre et se sentir découragé(e) devant la complexité des sujets, notamment quand il est question de faire de gros investissements…
Quelles sont les priorités à garder en tête ? Quelles sont les étapes à respecter ? Comment garder le cap ? Nous allons essayer de vous éclairer sur la marche à suivre !
Définir votre pourquoi
Disons-le tout de suite, s’intéresser à l’énergie de son logement n’est pas un sprint, c’est une course de fond. Et pour la mener à bien, vous aurez besoin de motivations profondes et durables.
La première étape consiste donc à clarifier vos motivations.
Dans le contexte actuel, la recherche d’économies financières est tout à fait compréhensible, tant la précarité énergétique est élevée actuellement, et le pouvoir d’achat régresse globalement.
A la faveur du COVID, le télétravail augmente, et nous ne considérons plus notre logement comme un simple lieu de passage, mais véritablement comme un cocon, voire une partie de nous-mêmes, et la recherche du confort y est croissante. Se sentir bien dans son logement est donc aussi une vraie source de motivation.
Il y a peu de chances que les injonctions infantilisantes pour nous inciter à réduire notre consommation pendant l’hiver produisent à elles-seules des effets durables, passée la période critique pour le réseau électrique.
En revanche, une bonne compréhension des enjeux liés à l’énergie et à l’environnement est assurément l’un des leviers d’action les plus efficaces en matière d’énergie et de logement.
Ajoutons que le pourquoi peut évoluer dans le temps, ce qui permet de ne pas se lasser !
Il pourra aussi se traduire en objectif quantifiable selon l’action que vous entreprendrez, ce qui vous permettra d’évaluer la pertinence de vos actions, et de vous encourager pour la suite !
Définir vos besoins énergétiques
Cela consiste à décrire de manière assez simple les usages des occupants de votre logement dans chaque pièce à un moment et pour une durée donnés.
Prenons quelques exemples :
- A 7h, je vais dans la salle de bain prendre une douche de 5 minutes.
- Entre 9h et 18h, je bosse en télétravail dans une pièce aménagée en bureau.
- Entre 17 et 19h, mon fils fait ses devoirs dans sa chambre.
- Entre 23h et 7h, je dors dans ma chambre.
A chacun de ces usages sera associé un niveau d’attentes, en termes de chaleur, de luminosité, de son, … tout ceci définissant vos besoins énergétiques. Et il est important que chaque occupant précise ses besoins liés à ses usages, car pour un même usage, les besoins peuvent être différents : n’avez-vous jamais eu une sensation de chaleur (ou de fraîcheur) différente d’une autre personne présente dans la même pièce au même moment ?
A ce stade, il est utile de passer en revue les besoins définis à la grille de lecture proposée par l’association Négawatt :
Cela relève de l’appréciation de chacun, et en la matière, notre jugement évolue avec le temps et notre prise de conscience. Pour appuyer l’intérêt d’une telle démarche, voici une illustration d’un usage dont nous laisserons le qualificatif à votre appréciation :
On peut insister ici sur l’importance de définir vos besoins énergétiques en concertation avec tous les occupants de votre logement, qui peuvent vous permettre d’avoir une vision globale, en étant plus exhaustive que si vous aviez fait l’exercice dans votre coin, et en relativisant des besoins qui, une fois formalisés, peuvent apparaître finalement comme accessoires, extravagants, voire nuisibles !
C’est enfin un élément d’appropriation de votre démarche par tous, et un gage de réussite de votre projet !
Intégrer les contraintes
Jusqu’ici, nous n’avons pas parlé des contraintes, car il est primordial de les mettre de côté pour s’autoriser à rêver et se fixer des objectifs… mais si on veut les atteindre, il est maintenant temps de les remettre sur la table !
La première contrainte à laquelle on peut penser, c’est le fait de ne pas être propriétaire de son logement : ça limite votre action directe, mais cela n’interdit pas de solliciter votre propriétaire. 😁
Ensuite, la contrainte économique est bien sûr souvent le problème majeur, et ce, même si de nombreuses aides permettent de vous aider à financer tout ou partie de vos investissements.
Le temps est souvent invoqué pour justifier de son inaction : derrière ce prétexte se cache souvent autre chose de plus concret : la phobie administrative, le manque d’expertise ou le fait de simplement ne pas savoir comment s’y prendre et/ou vers qui se tourner…
Mais le manque de temps peut aussi être tout à fait justifié quand on envisage de gros investissements et que les températures hivernales sont très proches !
En dehors de ce cas de figure, qui n’est finalement valable que si l’on vient d’emménager, le manque de temps traduit généralement un manque de motivation pour le sujet, ce qui renvoie à la notion du pourquoi. Si vous êtes dans ce cas, retour à l’étape 1, façon jeu de l’oie 🙂
Je connais mes (vraies) contraintes… et après ?
C’est-là que tout commence !
Ca peut sembler contre-intuitif, mais avoir des contraintes ne vous empêchera pas d’agir, c’est même plutôt l’inverse : si vous n’avez pas les moyens, ne serait-ce que d’avancer l’argent pour effectuer des travaux d’isolation, malgré les aides, mettez officiellement le sujet de côté, ce sera une charge mentale de moins (comment faire ? quels matériaux utiliser ? quel artisan contacter ? …).
Il est toutefois important de préciser que si vous êtes en situation de précarité énergétique, vous pouvez bénéficier d’une assistance spécifique, voire d’une prise en charge totale, incluant l’avance des frais, vous pouvez consulter la liste des acteurs qui peuvent vous accompagner.
Vos contraintes vont donc fermer quelques portes, mais pour mieux en ouvrir d’autres, et laisser place à la créativité… même si pour le moment, ça peut vous sembler encore un peu abstrait 🙂
Procéder par étapes
Le pilotage énergétique
Pour savoir où l’on va, il faut savoir d’où l’on part.
La première étape consiste à mesurer ce que vous consommez, ce qu’on appelle le pilotage énergétique. En gros, il s’agit de vous doter d’un tableau de bord, regroupant chaque source d’énergie, selon ce que vous utilisez, y compris l’eau, bien tout aussi précieux que l’énergie, et que nous consommons au quotidien.
Cette étape est d’autant plus indispensable qu’elle ne demande pas forcément d’investissement, et que celui-ci peut être rentabilisé assez rapidement, car plus vous suivrez vos consommations précisément, plus vous pourrez les réduire, comme nous l’avons vu dans une vidéo précédente.
La nature de votre énergie
L’électricité est toujours présente, car elle répond aux besoins dits spécifiques, c’est-à-dire les besoins qui ne sont actuellement rendus que par de l’électricité : cela concerne les appareils électroménagers, l’éclairage et le numérique.
Concernant la cuisson, la production d’eau chaude sanitaire et le chauffage, ces services énergétiques peuvent être rendus par d’autres sources d’énergie (gaz, fioul, bois, …), de manière individuelle ou collective selon votre logement.
Il est utile de confronter la nature de votre énergie avec votre pourquoi :
- M’apporte t-elle un bon niveau de confort ?
- Est-elle économiquement pertinente ?
- Est-elle en accord avec mes convictions ?
Bien sûr, il faudra aussi ajouter vos contraintes dans l’équation. Par exemple, si vous êtes locataire ou habitez dans un appartement avec un chauffage collectif, votre marge de manœuvre sera limitée, néanmoins cela peut conditionner vos futurs choix immobiliers.
L’origine de votre énergie
Que vous ayez recours à l’électricité ou au gaz, l’origine de votre énergie est aussi un élément à prendre en compte : si elle a peu d’impact sur la qualité (rendement ou confort), le prix et l’empreinte carbone en dépendent. Vous avez aussi une plus grande latitude pour agir sur l’origine de votre énergie que sur sa nature : la plupart des locataires gère en direct sa fourniture d’énergie. Reste le chauffage collectif en gestion par la copropriété…
Pour l’électricité et le gaz, il est aujourd’hui possible de souscrire un contrat d’énergie 100% renouvelable auprès de fournisseurs offrant une vraie transparence termes d’approvisionnement, issu d’une production interne ou via des contrats en direct auprès de producteurs d’énergie renouvelable :
- essentiellement hydraulique, éolien, solaire pour l’électricité,
- retraitement de déchets agricoles ou d’eaux usées pour le gaz
Ce choix n’impacte pas la qualité de votre énergie, car il n’existe qu’un seul réseau électrique et de gaz permettant d’alimenter les foyers, par ailleurs les propriétés des électrons ou des molécules de gaz sont les mêmes, quelle que soit leur origine.
En revanche, l’enjeu ici est de décider où va votre argent : tous les scénarios de transition énergétique insistent sur le nécessaire développement des énergies renouvelables, il est donc question de soutenir leur développement, l’emploi local, et d’avoir un impact politique à travers nos choix de consommation.
Enfin, le chauffage domestique au bois mérite beaucoup d’attention, car il constitue une source importante de polluants atmosphériques, selon différents paramètres :
- l’ancienneté, de dimensionnement et l’entretien de votre appareil ;
- la qualité du bois : humidité, calibre, présence d’écorce qui augmente les émissions, essence ;
- l’usage (méthode d’allumage, fonctionnement, gestion des entrées d’air).
L’effacement de consommation électrique
Le réseau électrique nécessite un équilibre permanent entre l’offre et la demande, c’est-à-dire entre la production et la demande d’électricité. Les moments particulièrement critiques pour cet équilibre sont les pics de consommation hivernaux, principalement liés au chauffage, à la production d’eau chaude et à la cuisson. Un défaut d’équilibrage peut se traduire par un délestage ou un black out.
Afin d’éviter ces situations critiques, RTE, l’opérateur responsable de cet équilibrage en France, a la possibilité de lancer des centrales de production d’électricité thermiques, généralement au gaz, ou d’importer de l’électricité en provenance de pays voisins, ce qui a pour conséquences des émissions de CO2 plus fortes, et des prix plus élevés…
L’effacement est une troisième option plus économique et écologique, consistant à décaler une partie des consommations sur des créneaux moins critiques. RTE peut ainsi inciter économiquement des gros consommateurs industriels en tête, à faire de l’effacement, il peut aussi rémunérer des acteurs pouvant opérer l’effacement automatiquement auprès d’un grand nombre de consommateurs, professionnels ou particuliers.
A notre niveau, nous pouvons aussi participer à l’effort collectif d’effacement à travers le choix de notre option tarifaire d’énergie, des applications dédiées, ou tout simplement une bonne compréhension des enjeux énergétiques, et ainsi améliorer significativement notre impact écologique, en réduisant nos consommations aux moments critiques.
La sobriété énergétique
Commençons par dire que la sobriété n’est pas un synonyme d’austérité !
Il faut dire que l’amalgame est facile, car on nous assomme depuis des mois à grands coups de messages infantilisants, sans pour autant nous donner réellement les moyens de réduire notre consommation de manière éclairée, en mettant au même niveau baisser son chauffage à 19°, couper sa box la nuit ou arrêter d’envoyer des mails avec des pièces jointes rigolotes…
Il est donc important de préciser la vraie définition de la sobriété : c’est faire mieux avec moins.
A partir de là, on comprend qu’il est moins question de renoncer à son confort que d’en redéfinir les critères. Encore faut-il être bien accompagné dans la démarche, car la sobriété ne relève pas que des “petits gestes” auxquels tout le monde pense, elle nécessite de l’expertise et de la pédagogie.
Baisser le chauffage est certes important : pour éviter les coupures, pour faire des économies, pour réduire son empreinte carbone, mais aussi pour sa santé, son bien-être, les bénéfices ne manquent pas…
Mais.
Pourrait-on nous expliquer – sérieusement – comment ne pas subir la situation, comment en tirer tous les bénéfices, comment en retirer du “mieux” ?
Spoiler alert : la doudoune n’est pas la bonne réponse…
La bonne nouvelle, c’est qu’il existe des gens mieux informés, et à même de nous guider dans une vraie sobriété choisie et heureuse !
Les investissements
En matière d’énergie et de logement, on entend beaucoup parler de rénovation énergétique, de chauffage (ou de climatisation…) ou d’auto-consommation. Si ce sont des projets que vous voulez entreprendre, il est important de mettre ces sujets dans le bon ordre : vous ne dimensionnerez pas vos panneaux solaires de la même manière si votre chauffage et votre production d’eau chaude sont électriques ou à gaz ; de même, vous ne choisirez pas le même type de chauffage selon la qualité de votre isolation…
D’autre part, il est probable que ces investissements soient purement et simplement inutiles, voire nuisibles : certes, il existe des logements insalubres nécessitant des travaux importants de réhabilitation, l’idée ici n’est pas d’évacuer complètement le sujet.
Ceci étant précisé, si nous abordons ces sujets seulement maintenant, c’est que toutes les étapes précédentes sont de nature à vous éclairer sur le bien fondé de tels investissements.
En effet, la plupart des échecs sur ces investissements, qui peuvent s’exprimer en retour sur investissement, en émissions de CO2 ou en inconfort, trouvent leur origine dans une mauvaise réflexion initiale, avant-même de parler de choix de matériaux, d’appareils ou d’artisans.
Nous vous invitons donc à bien dérouler cette méthodologie avant de vous jeter à l’eau !
La suite ?
S’intéresser à l’énergie de son logement, c’est mieux se comprendre et mieux comprendre le monde qui nous entoure, c’est passionnant !
Sur votre route, vous allez apprendre plein de choses, qui vont probablement vous amener à réajuster vos opinions et vos comportements au quotidien, c’est tout le mal qu’on vous souhaite 🙂
Mais c’est surtout une excellente occasion de vous sentir mieux dans votre corps et votre esprit ! Ce qui vous conduira à partager ce que vous avez appris avec votre entourage, cette transmission étant d’ailleurs une vraie source de plaisir, doublé d’un enjeu primordial pour la suite : l’action collective, indispensable à la transition énergétique.
Bonne route 🙂